L'asthme professionnel avec et sans période de latence

5. Investigation clinique

Les moyens diagnostiques utilisés pour l'investigation et le diagnostic de l'AP sont, pour une large part, semblables à ceux utilisés pour l'asthme. L'histoire du patient, tout en étant sensible, n'est pas spécifique. Une étude prospective effectuée dans notre centre a montré que la valeur prédictive positive du questionnaire médical dans le diagnostic n'est que de 65% (27). Assez souvent, une histoire de rhinoconjonctivite précède le développement d'AP pour les agents de haut poids moléculaire mais ceci n'est pas le cas pour les agents de faible poids moléculaire (28).

En ce qui a trait aux agents de haut poids moléculaire, l'évaluation allergologique joue un rôle important. Si un sujet est référé pour possibilité d'AP à la farine et que les tests cutanés excluent une sensibilisation aux céréales, à l'alpha-amylase et aux acariens, ceci élimine presqu'à coup sûr la possibilité d'AP. Par contre, la présence d'une telle sensibilisation ne signifie pas que ce patient fait nécessairement de l'AP. L'atteinte de l'organe cible, les bronches, doit être confirmée par:

  1. La démonstration d'un calibre bronchique réduit avec fluctuations spontanées caractéristiques ou une réponse significative à l'inhalation d'un bronchodilatateur et/ou la présence d'une hyperréactivité bronchique non spécifique;
  2. Et/ou par les résultats d'une exposition spécifique.

Beaucoup d'efforts ont été déployés au cours des dernières années pour améliorer le diagnostic par la surveillance des valeurs de débit de pointe grâce à des appareils portables et peu coûteux (29). Bien qu'attrayante, simple et intéressante, cette méthode a plusieurs limites : observance mauvaise; risque de falsification de valeurs chez des sujets qui peuvent retirer des avantages financiers; interprétation visuelle des résultats qui repose sur des graphes et non sur des critères objectifs; impossibilité de «contrôler» l'exposition au travail. Entre nos mains, l'utilisation des mesures sériées de débit de pointe est plus utile pour confirmer que pour exclure l'AP (30).

Le fait de mesurer le degré de réactivité bronchique par un test à la méthacholine représente une façon sensible de détecter des changements fonctionnels qui précèdent en général ceux du calibre bronchique (31, 32). Des données préliminaires permettent de penser qu'une augmentation du pourcentage des éosinophiles (33) et de la concentration du monoxyde de carbone (CO) expiré (34) représentent des indices sensibles pouvant aussi précéder les changements du calibre bronchique.

Le test le plus spécifique demeure l'exposition contrôlée à l'agent suspect en laboratoire hospitalier. Ces tests, proposés par le professeur Jack Pepys il y a maintenant 25 ans, étaient effectués de façon réaliste, c'est-à-dire en demandant au travailleur de reproduire le plus fidèlement possible son travail dans un cubicule qui pouvait être ventilé (35). Des efforts récents effectués dans notre service par une équipe pluridisciplinaire d'ingénieurs, de chimistes et de médecins, ont permis de mettre au point des appareils qui génèrent en circuit fermé des quantités mesurables, stables et faibles du produit sensibilisant sous forme d'aérosol sec (farine ou particules de bois, par exemple) ou humide (isocyanate, par exemple) ou de vapeur (formaldéhyde, par exemple) (36). Ce type d'exposition rend ces tests sécuritaires et d'une interprétation scientifique plus sûre.

L'organigramme du cheminement diagnostique de l'AP peut se profiler de la façon illustrée à la figure 3.

Figure 3 - Organigramme résumant les étapes et les méthodes
d'investigation de l'asthme professionnel avec période de latence

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